Pour expliquer cette rareté juridico-québécoise-blogique, il faut revoir quelques prémisses, notamment celles à l'effet que les deux finalités d'un blogue juridique sont de (1) partager, confronter avec l’autre; et (2) se faire connaître.
Le blogueur régulier (au moins un billet par semaine) doit être motivé par un incitatif qui va au-delà du simple désir de se faire connaître ou de créer des confrontations ou controverses. Parmi les autres éléments de motivation, on retrouve le simple plaisir d'écrire, d'articuler sa pensée dans une forme suffisamment intelligible et structurée pour qu'elle soit couchée sur clavier.
Tout blogueur régulier se rend rapidement compte du phénomène suivant: plus on écrit à propos d'un sujet, plus on l'approfondit; plus on approfondit un sujet, plus on a envie d'écrire et d'étendre les frontières de sa connaissance. Quand l'effort est sincère et novateur, le blogueur éprouve un plaisir suffisant à simplement "accoucher son billet" (!) Quand l'effort est novateur et recherché, il n'est pas rare (exemple) que plusieurs personnes interviendront pour y ajouter leurs commentaires, critiques et suggestions.
Ceci dit, je crois que la rareté des blogueurs civilistes francophones au Québec s'explique par les raisons suivantes:
- Nombre d'auteurs potentiels est réduit. Le Québec n'est pas la France ni la communauté de common law Nord-Américaine: le nombre d'auteurs potentiels est moins important. Par auteur potentiel, il faut comprendre un civiliste québécois qui est réceptif aux nouvelles technologies informatiques et qui pourrait développer le désir d'écrire autre chose que des ouvrages de doctrine et des déclarations et requêtes.
- Audience civiliste réduite. L'un des facteurs qui motive un blogueur à régulièrement prendre sa plume électronique est, avouons-le, le nombre potentiel de lecteurs internet. Or, le nombre réduit d'auteurs potentiels risque de ne pas être encouragé par l'audience réduite que représente les civilistes québécois "branchés" lisant régulièrement des blogues.
- Forme d'écriture plus exigeante. En moyenne, je crois que le civiliste est beaucoup plus cartésien que son confrère de common law. Simplement en comparant un manuel de droit criminel de première année rédigé par un professeur de common law, consistant souvent en un amalgamme de décisions-clés en la matière, et un Dubois; on constate immédiatement la différence... Lorsqu'il rédige un ouvrage de doctrine, une déclaration ou une requête; une partie importante de la réflexion du civiliste consiste à organiser et même découper la matière. Cette forme de pensée, idéale lors de la rédaction de traités, se prête plus difficilement à l'écriture de simples billets ponctuels. Je crois que le blogueur de common law éprouve moins de difficultés à ce niveau.